Je viens de réaliser mon rêve. Etre maman.
D’accord, c’est fort conventionnel. Quelle petite fille ne rêve-t-elle pas de devenir un jour maman ? Et pourtant, c’est tellement fort, violent même. Une envie, une certitude qui m’accompagne déjà dans mes jeux d’enfant : "un jour, moi aussi je serai maman !" Habiller, déshabiller, nourrir, promener, câliner ma poupée. La gronder aussi de temps en temps. Faire comme Maman.

A l’adolescence, ce rêve passe un peu à l’arrière-plan : il faut d’abord trouver le prince charmant. Mais ce rêve, en filigrane, guide mes actes : je multiplie les activités de mouvements de jeunesse et me prépare ainsi, sans m’en rendre compte, au rôle parental qui, je le sais, m’attend.

Après vient le temps des études, des débats d’idées et des guindailles. Je pense avant tout à réussir et à consolider ma relation de couple.
Premiers boulots, premières confrontations à la "vraie" vie d’adulte : je ne veux pas d’enfant. Pas maintenant. Je veux profiter de mes loisirs sans contraintes : concerts, cinés, soirées entre amis,... Etre libre ! Les poupons que je croise dans la rue, ceux des amis qui commencent à s’y mettre ne m’attirent pas. Un souvenir : celui du babysitting de mon filleul, Raphaël. Il avait quelques mois et braillait tout le temps : l’horreur ! C’est ça être maman ?

Juin 2001, cela fait près de 10 ans que j’aime Jean-François.
Nous voulons nous engager davantage et achetons une maison.
Petit à petit, l’oiseau fait son nid. Et voilà que mon rêve, inconsciemment, subrepticement, se rappelle à moi. Cela commence dabord par des bébés cigognes dont je me mets à orner la maison. Moi qui n’ai jamais beaucoup aimé les bibelots, voilà que ces objets un peu "kitch" m’émeuvent particulièrement. Et puis, mon langage aussi vient à me trahir : j’utilise l’adjectif "petit" à toutes les sauces et chaque fois avec un ton attendri. Ne dit-on pas que tout ce qui est petit est mignon ?
Lorsque je réalise que je veux MAINTENANT un enfant, mon envie est immense. Attendre quelques mois est un supplice. Chaque retour de règles me plonge dans un état de déprime. Serai-je capable de faire un enfant ? Serons-nous capables ? La certitude de l’enfant que j’étais a fait place au doute et à l’espoir : "j’espère que je serai maman."
Quelle joie, lorsque peu de temps après, je découvre que "OUI, ça a marché !". Je conserverai d’ailleurs longtemps le précieux test de grossesse près de ma boîte à bijoux.

Etre enceinte me "dope" littéralement. Pendant 9 mois, je serai et me sentirai resplendissante. Je n’ai à subir ni les nausées, ni aucun des autres maux décrits dans les manuels. Je me sens belle. J’ai l’impression que je peux traverser toutes les épreuves, que rien ne peux m’arrêter ! Je porte la vie !

Et puis vient le jour "J" ou plutôt le jour "G", comme Gaël, le petit garçon attendu ! Il naît le 3 novembre 2003, après 12 heures d’efforts, alors que la veille encore nous profitions, au cinéma, de nos derniers moments de couple. Lorsque la gynécologue me le dépose nu et mouillé sur le ventre, je suis inhibée, plongée dans un état proche de la stupeur. C’est elle qui met ma main sur l’enfant. Je suis confuse, ne sachant distinguer ce qui, de la joie, la peur ou la tristesse l’emporte. Submergée par tant d’émotions, je pleure. J’ai faim aussi et puis, je suis tellement fatiguée que je n’arrive pas réellement à m’intéresser à celui que je sens encore comme un étranger.

Les deux premiers mois sont assez difficiles : douleurs de l’allaitement, fatigue physique des suites de l’accouchement et fatigue morale suite aux questions que je n’arrête pas de me poser : pourquoi pleure-t-il ? que dois-je faire ? Je veux tellement "faire pour le mieux". C’est qu’on m’a livré ce petit d’homme sans son mode d’emploi et que, pour l’esprit cartésien que je suis, ne pas comprendre est angoissant.
J’ai l’impression que chaque jour n’est qu’une suite de répétitions : donner le sein dont il s’empresse de régurgiter le lait, le changer, le bercer pour qu’il arrête de pleurer et s’endorme, redonner le sein, le changer à nouveau,... et cela y compris la nuit. Je cherche en vain l’amusement de la petite fille de 5 ans habillant et déshabillant sa poupée. Je pouponne avec dévouement mais sans plaisir.

"Profite de chaque jour !" m’a-t-on dit ! Et pourtant, 2 mois après l’accouchement, je suis pressée que Gaël grandisse, pressée de retravailler. Dans notre société où l’enfant est roi, il n’est pas de bon ton de dire ce genre de choses : il semblerairt presque "anormal" de ne pas être "gaga" devant son enfant.

Je ne sais pas situer avec précision quand s’est effectué le passage.
Est-ce lorsque j’ai commencé à m’endormir béate de bonheur en pensant au visage de mon enfant - depuis ce rite d’endormissement ne m’a plus quittée. Est-ce quand, passée la douleur des débuts, j’ai commencé à apprécier mon rôle nourricier, l’intimité et la chaleur de ces moments de fusion ? Est-ce lors de ce moment magique où, pour la première fois, Gaël a souri ? Est-ce lorsqu’après sa première nuit complète, je suis rentrée doucement dans sa chambre pour vérifier s’il respirait toujours ? Est-ce lorsque lui parler et lui chanter des berceuses me sont devenus naturels ? Ou est-ce peut-être lorsqu’un beau jour, je me suis surprise à lui faire des grimaces pour lui décrocher un sourire ?
La révélation s’est-elle faite brusquement ou plutôt pas à pas ? Toujours est-il que, lorsque Gaël avait 2 mois, j’ai senti au plus profond de ma chair que je l’aimais et que j’étais liée à lui pour toujours. Au dévouement des débuts succédait l’immense joie de donner sans compter.

Maintenant, Gaël a 5 mois et je ne peux imaginer ma vie sans lui. Il a révélé en moi un coeur extensible à l’infini mais aussi des qualités de patience, de résistance, de lâcher-prise et de don que je ne soupçonnais pas.

Le rêve est devenu réalité et je n’ai qu’une seule envie... celle de recommencer !

6 commentaires Répondre

  • JourdanHardy Répondre

    Bonjour,

    Quel beau texte ! Je suis soulagé de savoir qu’il existe sur cette terre quelqu’un qui ressent la même chose que moi. Avant, je ne m’imaginais pas devenir père, car le travail était pour moi l’une de mes priorités. Je travaillais tout le temps sur des articles de blog comme tous mes conseils barbe. Après quelques temps, je suis tombé intentionnellement sur un article qui parlait des avantages d’être parent. C’est à à partir de ce moment là que je me suis rendu compte que j’avais tort. Mon rêve de devenir papa est né petit à petit et maintenant je suis devenu un papa formidable et j’en suis très fière.

  • Jacqueline B. Répondre

    Merci, chère Sylvie, d’avoir si joliment décrit l’éveil du sentiment maternel.Hé oui, il n’est pas toujours naturel ; il se développe lentement en cajolant le bébé, en découvrant ses premiers sourires,les progrès si rapides qu’il effectue par le toucher ou la vue. Tu sais, je me rappelle avoir avoué à mon bébé d’un an que la maladie m’avait empèché d’élever :"Mon bébé, c’est vrai, nous sommes deux étrangers et nous ne nous aimons pas encore. Nous devons faire connaissance !
    Mais, je suis certaine que dans une semaine, je t’aimerai déjà beaucoup" Et cela s’est réalisé...
    Souvent, les convenances empêchent de reconnaître la réalité. Mon père était horrifié quand je lui ai dit "Je ne suis pas encore réellement attachée à mon bébé ." Il m’a regardée comme un monstre !
    Par contre, dès que j’ai vu mon premier peti-fils dans son berceau, j’ai su qu’il était à moi !( à ses parents surtout !)
    Je te souhaite encore de multiples joies avec ton bébé. JacquelineB.

  • Madidi Répondre

    Quel joli texte petite Sylvie et quelle sincérité dans tes propos ! Pour moi aussi, le bonheur d’être maman ne m’est pas apparu tout de suite....Le nourrissons ne m’ont jamais fort intéressés ;je n’éprouvais pas de réelle fibre maternelle à leur égard. Il a même fallu attendre l’âge de 2 ans pour que je craque enfin mais cette fois "à jamais" et que je réalise combien ces petits bouts de femmes avaient pris mon coeur à jamais et que le lien viscéral qui s’était progressivement tissé ne ferait que se consolider au fil des temps et ne pourrait que se renforcer encore.
    maintenant je suis grand’mère et le même phénomène s’est produit pour les 4 petits hommes qui cette fois sont venus aggrandir le cercle familial et à nouveau remplir mon coeur de joie et d’amour indestructible vers leur 18 mois

  • Répondre

    Moi aussi j’ai eu un rêve : celui d’être le garçon qu’hélas je ne serais jamais. Puisque fille j’étais condamnée à être, autant me prouver que j’étais une femme en devenant maman. Pas si facile à réaliser, comme tu as pu toi même t’en rendre compte. Aujourd’hui que je suis maman de 3 enfants et grand-mère de 2 petits-enfants, je brûle d’impatience de m’entendre annoncer que leur nombre va s’agrandir, tout juste comme le faisait ma propre mère. Et pourtant, je m’étais juré que de ne jamais lui ressembler !
    Pourtant, au fil des ans, c’est fou le nombre de personnes qui me disent "Comme tu ressembles à ta maman !". Allez comprendre ?
    Amicalement de
    Bernadette

  • dadu Répondre

    Quel beau texte ! Quelle sincérité ! Rien n’est édulcoré, on sent bien, dès les premières lignes, que l’histoire est écrite par quelqu’un d’épanoui. Pour nous, les hommes, ce genre de rêve existe aussi mais dans une autre dimension. Oserions-nous avouer ce désir de paternité ? On le cache souvent derrière l’envie de perpétuer le patronyme ou la reprise de l’entreprise familiale, mais en réalité... ?? Merci de m’avoir fait rêver..rétrospectivement. Dadu

    • anne-marie Répondre

      heureuse de t’entendre parler de cette "incnvenance" qui existait deja en 1960 de ne pas éprouver l’immense et spectaculaire joie maternelle après la venue du premier bébé ; moi je me sentais tres anormale avec mon anxiété, mes maladresses et l’agacement durant ces visites de femmes qui venaient me détailler en temps réel leur courage pendant, leur joie après et gommaient toute présence paternelle de leurs souvenirs.allez les garçons acontez nous vos reves ou non de paternité. Moi la grand mère, j’adorerais savoir. anne-marie et merci Sylvie et dadu

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