Quand j’étais jeune, je faisais régulièrement de l’auto-stop…
En Belgique, bien sûr, entre Leuven et Louvain-la-Neuve ou de Leuven à Heverlee, mais aussi l’été, en Grèce, où je passais mes vacances, dans les îles. Quand je voulais me déplacer à Paros ou dans un autre coin de la Grèce, je montais sans crainte dans le camion d’un pêcheur, on se racontait notre vie, notre famille, mes vacances…et rien n’était plus naturel et sympathique. J’apprenais à chaque fois quelques nouveaux mots de leur langue et j’en étais ravie.
Dans les années 60-70, on se sentait en sécurité où qu’on aille et l’auto-stop ne posait aucun problème, ni pour les conducteurs ni pour ceux et celles qui pouvaient gracieusement profiter de ce moyen de transport pour aller d’un lieu à l’autre ou, simplement, se rapprocher un peu de leur destination.
Papa lui-même, pendant de longues années, prit des passagers inconnus quand il venait nous rejoindre pour les week-end à la caravane, en France, en Hollande ou en Suisse où nous passions nos vacances d’été. Il quittait son bureau plus tôt le vendredi et prenait un voyageur sur l’autoroute, histoire d’avoir de la compagnie, de parler en conduisant et de ne pas s’endormir au volant…
Il repartait le dimanche soir vers Charleroi…avec d’autres auto-stoppeurs.
On ne se méfiait pas, il n’y avait pas d’accident de parcours ni de personnes agressées ou de vols. En tous cas, on ne parlait de rien et la confiance régnait partout.
A présent, je n’oserais plus voyager de cette façon. Non seulement parce que j’ai pris de l’âge et perdu ma jeune naïveté mais, surtout, parce que le Monde a terriblement changé et qu’il est devenu très imprudent de se déplacer ainsi, tant pour les conducteurs que pour les passagers d’ailleurs.
Je me résigne donc à utiliser d’autre moyens mais je trouve cette réalité bien triste.
Cette perte de sentiment de sécurité a réussi, au fil des ans, à étouffer les rapports humains. La peur de l’autre, de la différence s’est insidieusement infiltrée partout. Chacun rentre dans sa coquille le soir, ferme sa porte sur sa vie et ne connaît que rarement son voisin.
Ce manque de contacts et cette méconnaissance génèrent vite l’intolérance, la méfiance, la suspicion et la peur… Il n’y a plus qu’un pas avant de tomber dans l’agressivité et le rejet.
La vie au quotidien en devient impersonnelle et refermée sur elle-même.
Il est donc très rare aujourd’hui de voir les gens lever le pouce pour être pris en stop, même aux abords de la station Delta ou d’un campus universitaire où ils étaient légions il y a encore une dizaine d’années.
Je crains que cet état de fait soit irréversible et je le déplore vivement.
Alors que le monde virtuel flirte avec l’inconnu et conduit parfois à de graves dérives, la vie réelle résiste aux vrais rapports humains et à la fraternité qui me semblent, à moi, bien naturels.