Sylvie, 35 ans, a participé à l’atelier de SV ; elle s’est découverte « simplicitaire », sans le savoir.

Démarche

Pour moi, la simplicité volontaire est un art de vivre, une façon de tendre vers le bonheur en recherchant l’essentiel. Certains l’appellent aussi « sobriété heureuse », ça me convient bien. Il s’agit d’un chemin de pensée qui permet d’interroger le sens de la vie. En ce sens, on peut dire aussi qu’il s’agit d’une philosophie de vie. Les valeurs principales sous-tendant cette démarche sont la solidarité et la convivialité. La valeur « temps » est également fort présente.

Motivations – Evolutions

J’estime être dans cette démarche depuis que je mène ma vie d’adulte mais, en analysant plus finement les choses, je dirais que ma démarche s’est affirmée de façon croissante et de plus en plus consciente par paliers :

 1er palier : choix d’études de sciences humaines. Ce choix traduit déjà une grande conscience sociale, le sentiment d’appartenir à un monde où il y a « des choses à faire » pour « un mieux-vivre ensemble », pour plus d’équité.

 2ème palier : la crise de la dioxine. Ce moment va réveiller (je dis « réveiller » plutôt qu’ « éveiller » car à l’école, j’avais déjà entendu parler de certaines causes écologiques, comme la disparition de la forêt amazonienne) ma conscience écologique par le biais de l’alimentation. Mon choix de me porter vers une alimentation végétarienne, pendant près de 2 ans est cependant davantage portés par des motivations liées à la santé que des préoccupations réellement altruistes.

 3ème palier : devenir parent. C’est pour moi, le pallier le plus déterminant car être parent demande de se positionner sur les valeurs que l’on veut transmettre à ses enfants. Cette réflexion évolue en fonction des âges des enfants et des choix éducatifs auxquels nous sommes confrontés. Voici quelques exemples de ces choix :
freiner les ardeurs d’une grand-mère trop généreuse en jouets et essayer de limiter les cadeaux aux fêtes
choisir une école où se pratique une pédagogie plus coopérative que « compétitive »
faire pratiquer aux enfants des activités de proximité et limiter celles-ci afin de ne pas rentrer dans une logique de « surconsommation » de loisirs et de performance
donner pour collation aux enfants gourde et boîte avec des biscuits emballés collectivement
tenter l’expérience des langes lavables

Par ailleurs, je ne vois pas comment, en tant que parent, on peut éluder l’inquiétante question : quelle terre allons-nous laisser à nos enfants ? Les préparer dès à présent à vivre dans une certaine sobriété me paraît être la meilleure éducation possible.

 4ème palier : la participation à un groupe de SV. Celle-ci a eu le principal mérite de donner un nom (SV), que je ne connaissais pas, autour de comportements que j’avais au quotidien. Le fait de nommer les choses m’a permis d’être reconnue dans ces actes, de me sentir moins seule et de consolider ces choix de façon plus consciente. Par conséquent, j’ai également pu commencer à en parler autour de moi, d’abord en couple puis avec quelques amis.

Je dirais, qu’au-delà de la motivation de base qui est d’oeuvrer pour un monde plus solidaire, le principal moteur de ma démarche est l’accroissement du sentiment de contrôle sur ma vie. Je m’explique :
J’ai plaisir à m’informer afin de mieux comprendre le monde dans lequel je vis (aspect de stimulation intellectuelle). J’aime le fait que cette réflexion soit globale et touche à plein de sphères différentes de la vie en société : l’économique, le social, l’écologie, le politique,…et cela de façon mondiale. En essayant de poser des choix en tant que consommatrice, j’essaye de mieux contrôler ma vie (et non me laisser porter par le discours ambiant) et je consolide mon identité. J’espère aussi, très modestement et sans espoirs démesurés, que ma contribution ainsi que celles d’autres groupes deviendront de moins en moins minoritaires de façon à proposer une alternative au système actuel.
Par ailleurs, parmi les bénéfices secondaires que je tire à pratiquer la SV, il y a aussi l’aspect économique : j’essaye de mieux utiliser l’argent dont je dispose. Notons que, même si globalement, cela permet de faire des économies, cela n’est pas toujours le cas : les produits verts et équitables étant souvent plus chers que les autres.
Un autre bénéfice secondaire renforçant la motivation de départ est le plaisir de la créativité : étant donné que beaucoup reste à inventer afin de repenser le système et lui offrir des alternatives valables, cela laisser chantier libre à beaucoup de créativité. Je trouve ça très stimulant et suis séduite par des événements et associations visant à augmenter le lien social à travers des échanges : Journée du Grand Don, Foire aux Savoir-Faire, SELS, Prêteries et cie.

Vie quotidienne

Le domaine dans lequel je suis le plus dans une démarche SV : le secteur de la mobilité.
A l’heure actuelle, nous n’avons qu’une voiture, Citroën Berlingo, choisie pour son côté fonctionnel et sa taille adaptée à une famille de 3 enfants. Nous l’avons choisie sans aucune option de façon à minimiser les pannes et le coût et sans air conditionné ni diesel pour des critères écologiques.
Nous l’utilisons très peu et surtout lorsqu’il ne nous est pas possible de nous déplacer autrement : pour faire les courses, pour sortir de Bruxelles ou aller dans des endroits desservis par les transports en commun. Détestant par ailleurs conduire et aimant marcher, je n’utilise que les transports en commun et la marche à pieds pour me déplacer dans le cadre du boulot et chercher les enfants à l’école. Le WE, nous sortons également rarement la voiture estimant que marche et transports en commun font partie du temps et des bénéfices des excursions avec les enfants. Pour donner un exemple, nous sommes allés ce dimanche à Bruxelles-les-Bains, le long des quais (place Sainctelette), et avons enchaîné pieds-bus et métro. Cela a permis à nos garçons de se défouler et de développer le sens et le plaisir de l’effort en marchant (j’avais Noé dans le porte-bébé ventral), de poser dans le bus plein de questions sur ce qu’ils voyaient (« ça sert à quoi l’accordéon au milieu du bus ? ») et de faire une chouette rencontre sur le retour avec une famille marocaine, super ouverte. La jeune fille, pourtant handicapée d’un bras m’a laissé une place assise et a spontanément répondu aux questions de mon fils aîné (5ans) sur les raisons de son handicap tandis que la grand-mère, voilée, a proposé à Cyril (4 ans) de s’asseoir sur ces genoux, ce qu’il a accepté, et nous a partagé les vertus culinaires de la courgette ronde qui s’était échappée de son sac.
Même si je ne suis pas la dernière à « pester » contre les transports en commun et ses usagers, il faut reconnaître que ce genre de rencontres, comme celles qu’on peut avoir avec ses voisins en marchant dans le quartier, ne sont pas possibles en voiture.
Mon compagnon, lui, est devenu depuis 2 ans un « accro » du vélo et ne se déplace presque plus qu’exclusivement qu’avec ça, même pour traverser la ville. Il a investi dans un vélo pliant et une protection adaptée. Il souhaiterait que, « étant donné le peu d’usage qu’on en a et les taxes et assurances qu’on paye », la Berlingo soit notre dernière voiture mais je ne suis pas prête à passer le cap, ayant peur que cela nous coupe de certains amis et types d’activités.
Notons que nous avons déjà tenté le coup pendant un mois lorsque nous n’avions qu’un enfant et que notre petite Toyota Starlet (gardée 17 ans) nous a fait défaut : nous avions alors tenté le système des voitures partagées « Cambio » mais y avons finalement renoncé car la station était assez éloignée et le fait de devoir installer à chaque fois un siège auto nous faisait perdre beaucoup de temps.
En ce qui concerne les vacances, nous évitons, si possible, les vacances en avion et choisissons nos destinations de Citytrips en fonction des possibilités de transport en train. Le fait de pouvoir aller chercher le pain à pieds en vacances fait partie de nos critères de choix pour un logement car c’est pour nous un vrai plaisir et luxe.

Limites

Poussée à l’extrême, cette démarche peut devenir asociale. Il y a, dans ce genre de mouvement, des puristes qui, rejetant en bloc tout le système capitaliste, le boycottent de l’intérieur (en profitant par exemple à l’excès de la sécurité sociale) ou vivent reclus de la société. Il y a aussi ces perpétuels catastrophistes qui critiquent toute tentative de faire bouger les choses pour autant qu’elle ne soit pas suffisamment « SV » (cfr Nicola Hulot).
Je ne veux pas en arriver à de telles extrémités, je suis pour une militance « douce »même si je reconnais qu’il faut parfois d’autres « armes » pour faire bouger les choses. Je veux cultiver aussi mon optimisme et pense que pour bien communiquer à ce sujet, il faut « positiver ».
Par ailleurs, j’assume aussi mes propres contradictions et revendique aussi chez moi, une part de « consommatrice » : même si j’opte de plus en plus vers du seconde main, j’aime acheter de temps en temps un beau vêtement, un bel objet,...et ne veut pas renoncer à cela. Je serais par ailleurs davantage prête que mon compagnon à succomber à la tentation d’un citytrip en avion.
J’estime que je n’ai pas non plus à porter toute la culpabilité du monde : ma responsabilité a des limites et entres autres, celle aussi de ne pas me marginaliser au point de me couper des autres, ce qui serait contraire à mon objectif de départ, qui est d’aller vers plus de bonheur.
En ce sens aussi, je n’ai pas envie d’aller plus loin dans la démarche

Personnel vs collectif

J’estime que cette démarche est avant tout personnelle puisque reposant sur un vrai choix de valeurs mais qu’il serait bon qu’elle fasse tâche d’huile de façon à créer davantage de mouvements collectifs. Je pense que des groupes SV ont l’avantage de permettre aux individus de garder davantage leur engagement dans la durée et de se sentir moins seuls dans celui-ci.
Je pense que la SV est le seul mode de vie en cohérence avec développement équitable et durable. Autrement dit, il s’agit pour moi du seul mode de vie réellement soutenable pour tous les habitants de la Terre. Mais elle doit rester « volontaire » car elle est basée avant tout sur la démocratie.
Je trouve dommage qu’aucun parti politique ne prenne de gestes responsables en la matière (du genre : cesser d’encourager les voitures de société, taxer le diesel comme l’essence, et investir dans le rail plutôt que de subsidier les sociétés low-cost) même si je comprends que prôner « la décroissance » n’est pas un discours politique très viable pour un parti.

Transmissions

Je commence à parler de ma démarche depuis que je suis dans un groupe de SV.
J’ai envie de partager la SV avec les autres, non pas comme une doctrine plein de préceptes moralisateurs mais comme une des voies possibles pour un bonheur…pour tous (et non pour quelques nantis d’Occident). J’avoue cependant souvent préférer me taire plutôt que de moraliser ou me mettre en colère (car au plus je suis convaincue par la SV, au plus, le comportement individualiste des autres m’est insupportable). Etant par ailleurs d’un naturel modéré et aimant peu la confrontation, je choisis pour l’instant de partager mes réflexions avec des personnes chez qui je sens déjà une certaine sensibilité pour la chose. Pas très courageux mais certainement prudent pour conserver de bonnes relations avec certaines personnes.
J’aimerais aller plus loin dans le partage mais comment trouver le ton ? Comment aussi garder des amitiés avec des personnes qui ne sont pas du tout là-dedans ? Ce sont des questions que je me pose à l’heure actuelle.
Une idée que j’aimerais particulièrement transmettre ? Au niveau de la mobilité, j’aimerais que, pour de courts trajets, les gens aillent à pieds ou en vélo. En tout cas, que la voiture ne soit plus le réflexe pour tous les trajets. Que les gens se posent au moins la question d’une alternative possible, quitte à choisir quand même la voiture parce que c’est trop compliqué.

Société

Je me pose des questions, principalement en terme de travail (augmentation du chômage). J’ai du mal à imaginer une société où tout le monde serait dans une démarche SV et j’avoue, qu’imaginer cette société me fait un peu peur car on va vers beaucoup d’inconnu et qu’il y aura encore beaucoup à inventer en termes de nouveaux emplois,…. Cependant, je ressens quand même bien moins d’angoisse à imaginer cette société-là que le monde dans lequel on vivra demain si nous ne changeons pas nos comportements (guerres de l’eau, famines, catastrophes naturelles,…).
Je pense que si la démarche est adoptée par tous, elle freinera le progrès technique mais augmentera le progrès humain de part le projet de société qu’il propose. Il faudra en effet rivaliser d’ingéniosité pour inventer de nouveaux services « dématérialisés » contribuant à rehausser la qualité de nos relations, préserver nos moments de solitude, favoriser notre développement personnel et approfondir notre relation à la nature.

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