Andrée, retraitée, a participé pendant 1 an à l’atelier de simplicité volontaire organisé par Ages & Transmissions. Voici son témoignage.

Démarche

Pour moi, la simplicité volontaire (SV) est une démarche de réflexion visant à prendre position et à me situer face à la société de consommation, à la tendance à accumuler des biens dans le but de paraître ou de prendre une place en vue dans la société.

J’estime être dans une démarche de SV « douce » sans pour autant me priver. J’estime que je peux me faire plaisir pour autant que ce soit un vrai plaisir et non un bluff pour épater mon entourage. Faire illusion est un plaisir passager, vite fini, qui ne m’apporte rien et laisse un goût de vide.
Je suis dans la démarche de SV dans la mesure où je ne gaspille pas, ne jette pas après peu d’utilisation ; dans la mesure où avant d’acheter un objet, je me pose la question de l’utilité, du double emploi, de la fréquence d’utilisation, etc… Il m’arrive de me dire « j’en ai envie, mais ce n’est pas raisonnable, je n’en ai pas vraiment besoin ».

La nature au sens large m’offre un cadre de vie magnifique et est la valeur principale que je veux mettre en avant dans ma démarche de SV. La nature est le résultat d’un agencement et d’une complémentarité subtils ; faisant partie de cette nature, tout comme le monde végétal et animal, il est normal que j’en utilise les ressources pour vivre, mais ces ressources sont limitées ; j’aimerais donc ne pas rompre la beauté de cet équilibre. Cette sagesse de l’économie est au fond de chaque être vivant.

Motivation – Evolution

Ma démarche est inspirée par la curiosité, voir et entendre la réaction des autres mais aussi préciser mes besoins réels, indépendamment de la pression sociale. Tendre vers « Etre » plutôt que « paraître ».

Un déclencheur de ma démarche est un certain écœurement face aux gens superficiels pour qui dépenser et surtout l’afficher est une manière de se présenter et de se donner de la valeur. Comme si la valeur personnelle ne tient qu’à l’argent.

Depuis longtemps, je vis dans cette démarche, quoiqu’en vieillissant j’ose de plus en plus affirmer mes idées et en évaluer le bien fondé. A force de voir des personnes si « brillantes » se casser la figure tôt ou tard (à l’image de la crise actuelle), je me renforce dans mes idées.

C’est une démarche dans la durée qui fait écho avec la connaissance de soi et l’organisation de sa vie, ce qui n’intéresse pas tout le monde ; la plupart des gens n’éprouve pas le besoin de se remettre en question, ni de réfléchir au sens de leurs actes.

Je pense que dans nos réunions nous avons fait le tour du problème et personnellement, je ne crois pas devoir aller beaucoup plus loin pour approfondir.

Vie quotidienne

Depuis que je participe à ce groupe, je regarde l’origine des produits alimentaires que j’achète et j’élimine ceux qui viennent de très loin.
De manière générale, je déteste jeter et je m’impose un emploi rationnel de mes achats. Par ex, je n’use pas jusqu’à la corde mes vêtements, mais je ne les jette pas non plus pour être constamment au dernier cri.
Moi qui étais une adepte de la voiture, depuis 1 an, j’utilise de plus en plus les transports en commun et j’en découvre les avantages dans pas mal de cas.

Le domaine dans lequel je suis le moins dans une démarche de SV sont les voyages. Il est vrai que courir à l’autre bout du monde pour 15 jours, ce n’est peut-être pas une très bonne idée d’autant plus que l’industrie du tourisme rend ces voyages de moins en moins intéressants. D’autre part, approcher d’autres mœurs, d’autres cultures, je ne peux le trouver nulle part ailleurs.

Limites de la démarche de SV

Le côté « radin » me gène. En m’inscrivant, je m’étais fait la réflexion « est-ce qu’ils vont tous être radins ? », le côté « on doit se serrer la ceinture, car pendant la guerre… » !
Je ressens un certain malaise que j’ai du mal définir. Peut-être parce que chacun est libre de mettre sa limite là il le veut. Le groupe de SV oscille entre deux aspects : l’un très large, général, planétaire où intervient le politique à l’échelle nationale et mondiale. L’autre plus personnel : la SV touche à l’image de soi et par conséquent à des choses plus intimes qu’on a pas toujours envie de mettre au grand jour et qu’on ne peut pas non plus généraliser.
Je ne suis pas prête à être militante, parce que chacun est libre de mettre sa limite là où il le souhaite ou même de ne pas se poser de questions du tout.
Autant il est utile de s’informer sur des problèmes généraux (ex : avenir de la planète, etc…), autant il pourrait être énervant d’entendre des « il faut », « on doit » qui voudraient régir notre façon de vivre. L’argent touche à des zones très affectives et très personnelles. Ce qui explique que son utilisation est tellement variée. Les dépenses ont parfois, dans certains cas et à certains moments de la vie, un rôle de compensation dont on n’a pas toujours conscience.

Démarche personnelle vs collective

Je trouve que la démarche de SV est surtout personnelle mais avec un côté collectif en ce qui concerne l’information générale au niveau national, européen, mondial via les médias, la littérature, etc… Il est bon de donner l’info et de tirer la sonnette d’alarme, après chacun fait ce qu’il veut.
Parfois je me sens « différente », un tout petit peu marginale, mais je ne le vis pas mal. Selon l’interlocuteur, soit je me tais, soit je le questionne sur son point de vue ; bien souvent il se sent remis en question et je reçois la réponse « mais il faut se sentir vivre », « j’en ai besoin pour ma carrière » ou « ce n’est que de l’argent » !

Je pense que tout le monde devrait rentrer dans cette démarche, ce qui est utopique ! La crise aidant, il va falloir réfléchir et changer certains comportements. C’est un bien, je pense. En écoutant la radio ce midi, j’entends que les gens achètent différemment, font plus attention à leurs achats, même pendant les soldes. Les grandes surfaces de mon quartier liquident des fins de stock car ils suppriment définitivement certains articles. J’ai regardé ces soldes. « Ce sont des articles vraiment superflus dont on n’a pas besoin » me soufflait spontanément une dame à côté de moi.

Transmissions/échanges

Je parle souvent de cette démarche à mon entourage, à des personnes de ma génération qui sont ahuries, apprécient cette démarche, la trouvent intéressante.
Je ne suis pas en contact quotidien avec d’autres générations ; toutefois, il m’est arrivé de dire à une jeune Maman : « Les vêtements de bébé sont peu utilisés et peuvent être achetés en 2e main ! » Après un premier refus offusqué, elle m’a appris qu’elle avait essayé plus tard sur internet et était contente du résultat.

Je fais passer un message nuancé à des amis occasionnellement. Les politiques m’intéressent peu, car leurs objectifs réels (pas leur discours !) sont bien loin des besoins réels de la population. Ils s’habituent à vivre dans un monde coupé de la réalité. La démarche de SV est à l’opposé de l’image que nos politiques aiment donner d’eux, de leur travail, du luxe dans lequel ils vivent et auquel ils s’accrochent. Ils sont dans la démarche du « toujours plus brillant », « toujours plus », reflet de leur besoin de paraître et reflet de leur besoin de pouvoir.

Chacun devrait s’arrêter un moment pour se poser la question « Et moi où j’en suis face à ce problème du toujours plus » ?

Voici une expérience concrète de « transmissions ». C’était mon tour de préparer le repas pour une famille. J’ai choisi d’utiliser tous les restes du frigo qui débordait d’achats divers. Pour y voir clair, j’ai commencé par jeter tout ce qui était périmé (depuis parfois 5 mois !) Ma quiche était bonne, mes hôtes ont voulu savoir ce qu’il y avait dedans. Ils ont retrouvé des ingrédients mangés depuis 48 h. J’ai dû me défendre ; la personne la plus virulente était au chômage… et finalement on m’a félicitée. Deux jours plus tard, ils y ont encore fait allusion ! Je pense avoir fait réfléchir.

Société

La société d’aujourd’hui est malade à bien des égards. Il va falloir réfléchir au bien fondé de la politique du « toujours plus de consommation » pour faire tourner l’économie, ce qui crée des besoins superflus. Il faut pouvoir s’arrêter, mettre des limites et pour cela réfléchir. La SV ne freinera pas le progrès économique si on pense au partage et à la solidarité Nord/Sud. Bien sûr le problème est complexe et demande des compétences pour le résoudre. Ce qui manque c’est une philosophie, une certaine sagesse qui sous tendrait la démarche de consommation.

Cette démarche ne sera jamais adoptée par tous car elle favorise le partage et porte son attention sur le bien-être de tous. Or l’être humain est fondamentalement égoïste, « moi d’abord ». Je crois que la démarche de SV est salutaire par le fait qu’elle oblige à prendre conscience des limites du toujours plus. La crise actuelle démontre combien on n’arrive pas à contrôler l’effondrement du château de cartes.

La SV n’est peut-être pas LA solution, mais elle peut aider car c’est un stop à la consommation effrénée. C’est l’existence d’une alternative qui se fait entendre. Cela vaut donc la peine de considérer ses arguments.

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