Ce texte fait partie du feuilleton de Suzanne Lire l’ensemble

C’était moi qui cherchait un lieu de vacances, préparait l’itinéraire, m’occupait des réservations. Et pas seulement des réservations, depuis que nous avions une voiture, je m’occupais des bagages, les arrangeais dans le coffre (y compris un jerrycan d’essence parce qu’en France les stations services n’étaient pas nombreuses) et sur le “fixe-au-toit”. A l’époque les voyages étaient longs, il n’y avait pas autant d’autoroutes que maintenant. Il fallait suivre sur la carte (et pourtant les femmes ne savent pas lire une carte, paraît-il !). C’était moi aussi qui discutait avec le garagiste, lorsque la voiture avait un problème, en italien, en espagnol, en anglais. (À l’époque, essayer de faire réparer une NSU en France, une Renault en Cornouailles ou en Italie et remplacer un pneu crevé en Espagne n’était pas évident). Nous devions bien sûr nous arrêter en cours de route, loger dans des hôtels minables (les seuls à notre portée) et manger la fristouille que je préparais à midi sur un camping-gaz !

Nous avons essayé toutes sortes de choses, depuis les vacances à l’hôtel jusqu’aux vacances en location ou aux vacances au Club Med. Il y eu entre autres l’île de Ré, ravissante, et nous laissant le souvenir inoubliable de mon mari allant nager avec ses lunettes, pour être déporté par le courant sur des kilomètres et se retrouver rejeté sur la plage, sans ses lunettes. Le retour fut assez comique, étant donné que pour y voir quand même quelque chose il avait dû mettre les miennes, qui étaient nettement féminines ! Puis il y eu Viareggio d’où nous partions en excursion pour visiter Florence, Pise, Sienne, etc. Ca n’intéressait pas du tout Françoise qui ne demandait qu’une chose évidemment, jouer sur la plage .

Puis il y eu l’inoubliable voyage vers Sorrente, en train parce que j’étais enceinte et que ne voulait pas faire tous ces kilomètres en voiture. L’agence avait bien précisé qu’il ne fallait pas emporter de nourriture, un wagon-restaurant étant prévu. Malheureusement nous sommes restés bloqués pendant des heures en gare de Milan, à cause d’une grève, et le wagon-restaurant n’a jamais été accroché. L’eau du train n’était évidemment pas potable et nous avons survécu pendant presque 24 h avec 3 pommes et un paquet de petits-beurres que j’avais quand même emportés. Arrivés à Rome, nous avons pu acheter des boissons et respirer parce que le train Rome-Naples était climatisé ! Après l’arrivée à Naples, nous avons encore fait des heures de car, faisant le tour des hôtels pour déposer tout le monde et nous sommes allés nous coucher bien après minuit du deuxième jour, après avoir reçu une tasse de thé et des petits gâteaux ! C’était tout ce que l’hôtelier pouvait encore nous procurer à cette heure-là !

En y repensant je me dis que j’étais complètement cinglée d’emmener une enfant si jeune dans des expéditions pareilles. Il faut dire que partir en avion était cher et pas du tout courant. Maintenant on emmène des tout-petits en Turquie en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et ils se retrouvent dans des avions climatisés, suivis de chambres climatisées dans des hôtels “all-in” où ils peuvent jouer dans la piscine toute la journée en mangeant tous les chips et les glaces qu’ils veulent. La pauvre Françoise devenait dingue derrière dans la voiture et s’ennuyait à mourir. Pourtant il y eu parfois des déclics comme lorsque, lors de ce fameux voyage à Sorrente, nous avions visité les ruines de Pompéi et puis ensuite le musée où sont exposées toutes sortes de choses retrouvées dans les fouilles. Pour la première fois je l’ai vue intéressée et fascinée par des lampes à huile et des ustensiles de cuisine retrouvés sur le site. Elle grandissait et commençait à comprendre.

Par la suite le petit frère était né et la première année après sa naissance nous sommes allés dans une ferme au Luxembourg, à Welscheid. Toujours aussi aventureuse, j’avais décidé d’explorer les gorges du Loup tout en poussant le landau. C’était évidemment stupide. Un peu plus tard, lors d’une visite de mes parents, nous nous sommes rendus à pied au village et une des roues du landau a cassé. Le retour n’a pas été comique. Heureusement, le fils de la propriétaire de la ferme nous a vu de sa voiture et a embarqué ma mère, pendant que mon père et moi poussions le landau bancal dans une montée sans fin jusqu’à la ferme. Les fermiers étaient des gens très chaleureux et Françoise a passé la plus grande partie de son temps à dévaliser leur cerisier !

Finalement, après la mort de Franco, je me suis décidée à choisir l’Espagne où je n’avais jamais voulu mettre les pieds sous sa dictature, contrairement à d’innombrables belges qui profitait des prix ridiculement bas. Nous y avons loué deux fois une villa. Une fois, pour abréger le voyage nous avions mis la voiture sur le train jusqu’à la frontière espagnole mais c’était très cher et il fallait à l’aller et au retour, débarrasser le “fixe-au-toit” de tout le brol que j’y fixais avec des élastiques à crochets (parasol, sièges de plage et tutti quanti). Au retour, nous sommes arrivés à la dernière minute, et j’ai dû tout défaire en triple vitesse, sous l’oeil furibond du chef de train, pendant que mon mari fourrait tout dans la voiture. Je transpirais comme un veau et j’étais rouge comme une tomate. Nous eûmes droit à un souper sur un plateau, du genre de ceux qu’on sert dans les avions, à peu près immangeable. Je me souviens très bien du Français assis à côté de nous qui nous disait : “vous auriez mieux fait d’apporter un saucisson et un litre de rouge !”. Il avait bien raison.

Nous avons été deux fois en Angleterre, la première fois dans le Norfolk, dans un village de bungalows. On était en 1978, aucun “continental” ne faisait du tourisme en Angleterre, sauf pour aller à Douvres avec la malle et profiter du cours extrêmement bas de la livre pour acheter toutes sortes de choses (même du papier-peint) et revenir le jour même ou alors pour aller à Londres. Le Norfolk était pourtant une très belle contrée, avec d’innombrables petits canaux qu’on pouvait parcourir en bateau et d’immenses plages de sable fin, absolument désertes. Il fallait pourtant se débrouiller pour des choses bizarres qui pour les anglais étaient évidentes. Le premier soir, par exemple, lorsque j’ai voulu allumer la cuisinière à gaz, il n’y avait pas de gaz. Le bureau d’accueil étant fermé, j’ai chauffé de la soupe sur mon petit camping gaz qui ne me quittait jamais. Le lendemain, j’ai été demander ce qui se passait et, voyant que je ne comprenais rien à ses explications, le responsable m’a accompagnée au bungalow pour me montrer, avec un air excédé devant ma stupidité, qu’il fallait pour avoir du gaz, introduire une pièce de 10 pence dans un compteur qui se trouvait dans la penderie. Simple, mais il faut le savoir ! Une fois les 10 pence dépensés, plouf, plus de gaz ! Nous passions donc notre temps, en faisant les courses, à mettre soigneusement de côté les pièces qui nous permettraient de faire à manger ! Nous faisions l’amusement, avec notre manière de vivre, de tous les occupants des bungalows avoisinants. Nous étions les seuls par exemple, à sortir la table et les chaises lorsqu’il faisait beau et à manger dehors. L’exubérance de Françoise et de Stéphane dans leurs jeux les étonnaient aussi. Les Anglais ont bien changé depuis, ils mangent dehors et ils font du bruit !

Nous sommes allés aussi en Cornouailles, mais cette fois à l’hôtel. Le pays était magnifique, Françoise était très contente parce qu’elle venait de lire Daphné du Maurier et qu’elle se retrouvait sur les lieux de l’action. Le seul hic, c’est que je ne savais pas qu’il y avait des hôtels “avec licence” et “sans licence”. Les “sans licence” ne servaient aucune boisson alcoolisée et les repas, typiquement anglais (ah ! la sauce à la menthe) ne s’en trouvaient pas améliorés !

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