Ce texte fait partie du feuilleton de Suzanne Lire l’ensemble

La cave arrière servait de laverie. Toute la lessive se faisait à l’eau de pluie, recueillie grâce à un petit robinet relié au fond du puits. Il y avait un petit poêle pour faire bouillir le linge dans une grande marmite, de grandes bassines en zinc pour le faire tremper préalablement et le rincer quand il avait bouilli en le sortant de la marmite à l’aide d’un grand bâton en bois devenu tout blanc à force d’avoir été dans l’eau bouillante. Ces bassines ainsi que les seaux étaient tellement employés que parfois il y avait des trous. Elles étaient alors rétamées, c’est-à-dire que mon père soudait une rondelle d’étain sur le trou. Un grand trépied en bois supportait une grande bassine qui contenait une plaque ondulée en métal sur laquelle ma mère posait chaque pièce à laver et la brossait avec une brosse en chiendent. La lessive se faisait tous les lundis et toute la maison sentait le savon ce jour-là. Ma mère n’a eu une lessiveuse qu’à l’époque où je suis allée au lycée, et encore, elle était actionnée à la main avec une grande manivelle. Elle avait le grand avantage d’inclure une essoreuse à main, c’est-à-dire deux rouleaux entre lesquels on faisait passer le linge, à l’aide d’une manivelle également, ce qui était nettement moins fatiguant que de tordre les draps à la main. Finalement, bien après que je sois mariée ma mère a eu une Hoover à deux bacs, l’un pour laver, l’autre pour essorer. Cette Hoover l’a suivie après la vente de la maison mais est tombée en panne définitivement après d’innombrables années de bons et loyaux services, et c’est ensuite ma soeur et moi qui avons fait la lessive, parce que ma mère pensait que, vu son âge, ça ne valait pas la peine d’acheter une autre machine à laver.

Le lessive était suivie de l’amidonnage. Lorsque le linge était lavé ma mère préparait dans une bassine, cette fois-ci dans la cuisine, de l’eau bouillante où elle faisait dissoudre l’amidon Remy. Elle y plongeait les pièces à amidonner, les chemises de mon père et plus tard nos jupons. Je la voyais plonger le linge dans l’eau bouillante, le tordre et le replonger et le retordre. De temps en temps elle levait une main en l’agitant pour la refroidir. Ses mains étaient crevassées d’être constamment passées de l’eau froide à l’eau bouillante, du sel de soude de la vaisselle et du savon noir du nettoyage. Elle ne s’en plaignait pas, c’était la vie. Il n’y avait pas de gants en caoutchouc ni de crème pour les mains, du moins par pour elle. Ca l’ennuyait pourtant parce que ça lui rendait la couture difficile.

Lorsque le linge était sec, venait le repassage précédé de l’aspersion d’eau. Les pièces amidonnées étaient aspergées délicatement d’eau, non pas avec un “spray” mais avec un délicat mouvement des mains qui allaient du pot d’eau au tissu pour qu’il soit légèrement humide. Opération à ne faire ni trop tôt (le linge séchait), ni trop tard (il était trop mouillé). Chaque pièce était alors roulée sur elle-même en attendant le repassage. Celui-ci se faisait sur la table de la cuisine, couverte d’un molleton et d’un vieux drap. Les fers (en fer) étaient mis au feu et pour juger de la chaleur exacte, ma mère prenait sa manique (faite de plusieurs épaisseurs de vieux molleton entourée de vieille toile à matelas et piquée à la main), empoignait le fer et mouillant son doigt , touchait le fer. Si la chaleur était bonne, elle repassait, changeant de fer lorsque l’un d’eux refroidissait. Un fer électrique est le premier instrument moderne auquel ma mère ait eu droit, après la guerre. Il était lourd et bien entendu sans vapeur, mais c’était un progrès extraordinaire. Au fil du temps, nous avons eu le droit, ma soeur et moi, de repasser les mouchoirs et les essuies de cuisine. Inutile de dire que nous n’avons jamais acheté ni un mouchoir ni un essuie de cuisine. Les mouchoirs étaient faits de morceaux de draps usés et les essuies de morceaux de toile à matelas usés. Dès notre plus jeune âge nous avions appris à ourler ces morceaux découpés. De même les lavettes étaient faites de vieux morceaux de caleçons ou de chemises de corps, en “interlock” qui se prêtaient très bien à leur usage. Les “loques à poussière” étaient faite de vieux morceaux de pyjamas. Les pyjamas et les chemises de nuit étaient faits en ce temps-là en coton molletonné, à fleurs pour les femmes et à rayures pour les hommes. On réparait les morceaux usés avec les meilleures pièces provenant d’anciens vêtements de nuit. Je me souviens très bien d’avoir mis des pièces au pyjama de mon père avec les meilleurs morceaux d’anciens pyjamas, pas du tout assortis, alors que j’avais passé 40 ans et qu’ils étaient tous les deux dans une maison de repos. Pour ma mère, il était inimaginable d’acheter un nouveau pyjama avant que l’ancien ne soit réduit en futures loques à poussière.

Ma mère n’a jamais eu de table à repasser, elle s’est toujours servie de la table de la cuisine. Pour repasser les coutures en cours de travail elle avait une “jeannette” qui normalement est une petite planche à repasser montée sur un pied repliable, qu’on utilise surtout pour repasser les manches. Celle de ma mère était bien entendu fabriquée “maison” et était un genre de coussin oblong et sans pied.

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2 commentaires Répondre

  • mounah Répondre

    Je vous remercie de votre témoignage, qui me rappelle beaucoup ma jeunesse. Une fois l’année scolaire terminée, toute la famille se rend à la campagne, nous sortons les vêtements sales une fois à destination. Ma mère et notre aînée s’occupent de ramener l’eau avec de grands bols que notre grand-mère a toujours réservés pour faire la grande lessive, tandis que notre père se tenait près du puits pour tirer la longue corde où un sceau se tenait pour tirer l’eau qui est très profonde. Moi, par contre, je m’assois sur un petit tabouret et je m’occupe de savonner tout le linge. Il y a longtemps déjà , aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de puiser de l’eau dans les puits, de transporter l’eau par cuve. Chaque ménage dispose aujourd’hui de machines à laver reliées par un tuyau d’où provenait l’eau, sans parler de quelques foyers qui installent un adoucisseur d’eau dans leur maison, que vous pouvez trouver sur https://www.aquanostalgie.fr/conseil-accessoire/differences-osmoseur-adoucisseur/ pour filtrer comme il convient l’eau qu’ils vont laver leur linge.

  • Emeldee Répondre

    Grâce à votre belle description j’ai pu revoir certaines images dans ma mémoire. C’est une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître comme dit la chanson....

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