L’hiver allait sur sa fin et les jours commençaient à allonger. La température restait basse, mais de subreptices promesses de changement devenaient perceptibles. Je me mis à compter les mois. "C’est pour quand le printemps ?" Oh ! pas le vrai. Pas celui qui fait verdir les arbres et fleurir les prés. Rien qu’un début de printemps. Celui qui n’a dans ses bagages que quelques rayons de soleil pour contrecarrer la bise glaciale des vents soufflant du nord.

C’est dans ces jours de questionnement que fond sur moi l’impérieuse et pressante nécessité de consacrer de toute urgence une partie de mon énergie à m’occuper de notre tout nouveau jardin. Certes, le dessin en est tracé et le gazon, semé à l’automne, n’a besoin que de tiédeur pour que sortent de terre de timides herbettes. Mais rien encore n’a été prévu pour décorer le pourtour de la nouvelle pelouse. Il est grand temps de s’y mettre.

Je retrouve rapidement quelques catalogues de pépiniéristes et m’y plonge fiévreusement. Tous attrayants et abondamment illustrés. Couleurs chatoyantes. Promesses de floraisons abondantes de juillet jusqu’aux gelées. Plantes vivaces ou annuelles. La néophyte que je suis s’y retrouve à grand peine. Perplexe, j’essaie d’assimiler les notions de base et note quelques choix. Après une fructueuse concertation avec mon époux, la commande est expédiée. Elle comprend quelques arbustes à feuillage persistant, des oignons à floraison estivale, des rosiers et des sachets de graines de fleurs.

Ces sachets, j’en fais mon affaire personnelle. En lisant attentivement les conseils prodigués dans la brochure du pépiniériste, je me sens pousser des ailes de jardinier. Pourquoi ne réussirais-je pas une affaire d’apparence aussi simple que de semer quelques minuscules graines, d’attendre la venue de deux feuilles, de repiquer les plantules et lorsqu’elles auront grandi, de les replanter aux bons endroits ? Le tout avec soin, attention et amour, cela va de soi. Je fais mes premiers pas avec des mufliers et des pétunias.

Suivre scrupuleusement les consignes demande de l’ingéniosité. Il faut trouver dans la maison des châssis accueillants pour permettre la germination des graines et la pousse débutante. L’opération délicate du repiquage des minuscules plantules munies de deux feuilles requiert une infinie patience. L’attente est longue. Entre mars et la mise en place au jardin en mai, il n’est pas question de relâcher l’attention. Arroser comme il se doit. Pas trop, ni trop peu. Surveiller la croissance. Eliminer les plus faibles. Donner de l’engrais aux plus forts. Et, pendant l’inspection quotidienne, se poser la question primordiale : "Quand allons-nous enfin voir apparaître les premières fleurs ?"

Elles finissent par poindre le bout de leur nez. En juillet, comme promis. Par malchance, en notre absence. Ce mois-là nous sommes en vacances. Dès notre retour, nous nous précipitons au jardin et sommes accueillis par un flot de couleurs chatoyantes. Quelle merveilleuse surprise ! Émerveillés, nous découvrons une abondance de fringuants mufliers jaunes et oranges et de chatoyants pétunias roses et mauves. Entourées par la floraison estivale des bulbes, mes plantations forment à présent de décoratifs parterres colorés.

Je n’en revenais pas. J’allais les examiner de près. "Comment est-ce possible, me suis-je demandé, qu’une si minuscule graine puisse devenir une fleur aussi parfaite ?" Pour avoir déjà été mère par deux fois, je connaissais la réponse. Mais, dans ce cas de maternage végétal, le résultat est apparu en accéléré. C’était d’autant plus surprenant. Pour la première fois de ma vie, j’avais suivi à la lettre le travail du semeur. Ce travail dont on dit qu’il est auguste. Et comme lui, j’en avais recueilli les résultats fructueux. Pendant un court instant, d’une façon tangible, la vie m’est apparue dans toute sa force.

B-M. 

2 commentaires Répondre

  • Jean Nicaise Répondre

    Vous le donnez si bien à voir votre jardin ! Et quel optimisme : au retour de vacances, vous passez sous silence les herbes dites mauvaises ou folles. Sans avoir été invitées, elles devaient pourtant squatter les « mufliers jaunes et oranges et chatoyants pétunias roses et mauves » semés avec tant de sollicitude. Gageons que les années suivantes, vous aurez profité d’une première expérience pour multiplier le nombre de fleurs et le plaisir de votre famille.
    Donnez-nous, s’il vous plaît, chère Magda, d’autres premières fois décrites avec tant de talent...

  • Jacqueline Bouzin Répondre

    Merci, Magda, pour ce si joli texte d’éveil aux joies du jardinage !
    Comme tu le dis, au jardin comme pour les enfants, je regarde, je travaille, j’aime et j’attends les fleurs de l’été. Mais, que les résultats sont plus rapides et plus conformes à nos souhaits de départ ! C’est si beau la vie qui pousse ! Amitiés. Jacqueline.

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