Je suis née en 1947 aux Pays Bas. J’ai vécu mon enfance entre l’Indonésie, les Pays-Bas et la Belgique au gré du travail de mon père.

Mes années de militantisme féministe

En 1967 mes parents m’ont envoyée à Grenoble en France pour étudier le Français. J’y ai passé deux années formidables. D’abord grâce à ma carte de presse, reçue d’un copain marocain, j’avais accès à toutes les compétitions olympiques et réceptions. Lorsque les athlètes sont partis, débutait le mouvement de révolte des étudiants : Mai 68. J’y ai participé avec enthousiasme jusqu’à ce que la police française m’invite à partir sur le champ !

Le temps passé sur les barricades, les manifestations et les débats ont été pour moi l’élément déclencheur de ma sensibilité pour la libération de l’avortement et le féminisme en général.

Arrivée à Amsterdam pour entamer des études de psychologie, je me rendais compte que j’étais arrivée à point pour participer à la naissance du mouvement de libération des femmes qui a abouti à la création de Dolle Mina en 1970. Avec mes camarades nous nous postions devant les écoles catholique de filles afin de distribuer des préservatifs et des flyers pour les informer des options en cas de grossesse involontaire. Le mouvement contestataire Baas in Eigen Buik (Patronne dans mon propre ventre) était né. C’était une époque pleine de militantisme et parfois de radicalisme, pas toujours apprécié, parfois violemment contesté et ridiculisé. Mais le plus important de tout, c’était que nous étions enfin en grand nombre et donc visibles. Ce même débat a démarré dans le monde politique et médical et a mené à l’ouverture de centres pour un avortement médicalement assisté. La première clinique d’avortement s’est ouverte avec pignon sur rue à Amsterdam en 1970. L’avortement était illégal (pas d’encadrement par une loi) à ce moment, mais bien “toléré”, solution « à la Néerlandaise ». Les protestants « orthodoxes » bloquaient toute avancée législative. Mais en pratique, les cliniques étaient entourées par des ong, partis politiques, … pour faciliter l’avortement clinique dans de très bonnes conditions.
Dix ans après, en 1980, l’avortement était légalisé aux Pays Bas.
Ce mouvement de femmes a également accompagné la visibilité des homosexuels, enfin surtout masculins.

Je tombe enceinte et … j’avorte

Septembre 1973. Au bout de trois années d’activisme pour l’avortement aux Pays-Bas, je suis retournée seule à Bruxelles où je suis devenue fonctionnaire européen employée dans la direction de l’agriculture (…) et j’ai été sage pendant quelque temps …

En Belgique le militantisme féministe était encore très discret, l’avortement toujours clandestin, un crime dans les yeux de l’église catholique. L’homosexualité ? On n’en parlait pas. La Belgique était en pleine « guerre » linguistique.

A Bruxelles, je tombais dans un tourbillon de jeunes fonctionnaires de toutes les nationalités. Vive la liberté et la révolution sexuelle ! Moi, qui avais distribué des préservatifs, interrompu des colloques pour montrer que nous étions patronnes dans nos ventres, je suis tombée enceinte !

C’était le désastre, je ne savais pas quoi faire, pleurais dans les toilettes. J’allais devoir épouser ce garçon alors que je ne l’aimais pas. Je n’osais rien dire à mes parents. Les papiers étaient préparés pour le mariage.

Un jour, une semaine avant ce mariage, j’ai craqué devant une collègue et j’ai tout raconté. Le soir je recevais un coup de fil de mon père qui me sommait de venir immédiatement à la maison. Il disait que je n’étais pas obligée de me marier, que nous allions parler. Au moment où j’ai posé mon pied dans le train, je savais que j’allais ne pas me marier, ni avoir un enfant.
Deux jours plus tard je suis retournée à Bruxelles, toute seule, pour apprendre la nouvelle à mon copain qui était fou de rage et m’a jetée des escaliers. Pendant plus de six mois j’avais peur, peur qu’il me tue.

C’était trop tard dans la grossesse pour un avortement aux Pays Bas. Mon père a tout organisé pour que je puisse aller à Londres mais me disait : je te laisse à l’aéroport mon enfant, tu vas toute seule, car ça doit rester ta décision. Mon père, âgé de 70 ans, était de la vieille école. C’était un homme sage. Je n’ai jamais regretté ma décision. Il était fier de moi.

Pour connaître la suite de l’histoire de Joline : "J’aime une femme", cliquez ici

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