Mars 1947. J’avais 11 ans. Avec deux amis, Paul et Jean-Michel, nous discutions des civilisations romaine, grecque, et égyptienne, de tout ce que nos professeurs essayaient, tant bien que mal, de nous entrer dans le crâne. Nous étions subjugués par les découvertes archéologiques et par tout ce qu’elles nous avaient permis de connaître sur ces peuples qui nous avaient précédés.
C’est alors, que l’un d’entre nous dit : « Et nous, qu’allons nous laisser aux chercheurs qui fouilleront notre sol plus tard ? »
Il ne fallait pas que nous restions à jamais des inconnus pour ceux qui tenteraient d’en savoir plus sur notre vie. La décision fut vite prise : nous allions laisser un message aux habitants de l’an 2000 ! Cette date figurait pour nous la plus lointaine que notre imagination pouvait créer.
Un message, oui, mais aussi des objets. A force de discuter et toujours en suivant l’exemple de nos prédécesseurs, nous convînmes d’enterrer dans le jardin de mes amis, un trésor. Il fut vite constitué : une gourde militaire. Elle était métallique et gainée de tissus kaki. Nous étions persuadé qu’elle pourrait résister à l’épreuve du temps. Dans celle-ci, nous avons fait entrer un papier sur lequel figuraient à peu près ces mots : « Ceci est un message de paix et de fraternité à destination des gens de l’an 2000. Il vous est adressé par Damien, Paul et Jean-Michel. »
On décida aussi d’y adjoindre une pièce de monnaie. Notre sens de l’économie et nos faibles moyens de l’époque nous ont fait opter pour la plus petite, à savoir 5 centimes.
Pour nous souvenir de l’endroit exact où nous avions enterré notre mémorial, nous avons planté un marron.
Quelques années plus tard, notre marron avait poussé et s’était transformé en un bel arbuste au tronc rectiligne.
Mars 1997. Je me souviens et je veux revoir le marronnier à défaut de rechercher les objets enterrés. Mes amis et moi avions déménagé, la vie nous avait séparés mais la maison et son jardin existaient toujours.
J’appris qu’en cinquante ans, plusieurs fois la maison avait été revendue. Je me glisse par l’arrière pour vérifier l’état de notre arbre.
Ce fut une grande déception. L’ un des nouveaux propriétaires avait fait disparaître l’arbre et peut-être a-t-il trouvé ce qui pouvait rester de la gourde et son contenu. Je ne le saurai jamais.
Aujourd’hui, je n’ai plus envie de laisser un message aux générations futures, j’aurais trop honte de leur dire que ce que nous faisons de notre planète, de sa nature et de ses richesses.

4 commentaires Répondre

  • Jacqueline Répondre

    Bien jolie l’idée du message à l’an 2000 !
    Mais, pourquoi ce pessimisme concernant nos valeurs actuelles ? Je laisserais dans une bouteille quelques photos du tsunami ravageant l’Asie en même temps que quelques coupures de presse décrivant l’élan de solidarité internationale (même si elle est de courte durée).J’écrirais un texte sur "Médecins sans frontières" et sur "Handicap international".J’évoquerais les visites à l’amie malade du cancer et le délicieux sourire de mon petit-fils ; bref tout ce qui tisse au fil des jours la tendresse partagée. Bien amicalement. Jacqueline.

  • Claude (FIJ) Répondre

    Dadu est mon papa... Je connaissais le début de l’histoire, pas sa fin... Ou peut-être l’avais-je oubliée ??
    Le geste m’a toujours plu par sa symbolique. Mais, aujourd’hui, le pessimisme qui empêcherait sa reproduction un demi-siècle plus tard me paraît exagéré ! N’avons-nous vraiment aucun message positif à laisser aux générations futures ??? Impossible ! S’il est vrai que l’écologie n’est pas l’affaire de tous, elle peut le devenir... J’y crois ! Il suffit, pour s’en persuader, de tenter l’effet boule de neige... Il ne faut pas bien longtemps pour qu’un comportement "citoyen" déteigne et soit adopté par d’autres. Si, en plus, un discours positif l’accompagne, on augmente encore les chances de l’effet ! A côté de cela, des choses très positives d’aujourd’hui nous seront probablement enviées par nos descendants dans 50 ans... Lesquelles ? Réfléchissez bien ! Allons, un petit effort ! Qui cherche... trouve ! 😉

    • dadu Répondre

      Merci, Claude. Je savais que j’avais une fille dynamique et pleine de ressources, si, en plus, elle s’avère optimiste ! Tu seras mon message pour la génération suivante !

  • Michèle Répondre

    Ce que nous faisons de dame nature ? Il est vrai que depuis la révolution industrielle, elle a été particulièrement malmenée, souvent de manière inconsciente. Depuis quelques années, si nous continuons à la malmener, nous le faisons de manière de plus en plus consciente.
    Certains d’entre nous comme toi commencent à avoir honte de la manière dont nous traitons cette dame d’âge respectable que nous voyons « vieillir ».
    Il est temps que chacun se penche sur elle et se pose la question de son devenir.
    Je comprends donc ta honte, Dadu, mais j’aimerais quand même beaucoup que tu ré-enterres aujourd’hui un trésor, ton trésor, pour les générations futures …

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