Ce texte fait partie du feuilleton d’Elisabeth "Entre Hongrie et Belgique, un chemin d’immigration" Lire l’ensemble

Vers la fin du mois d’octobre 2016, une petite dame de 89 ans que j’ai appris à connaître il y a deux ans me téléphone. Elle me demande de l’accompagner à la Maison Hongroise où allait avoir lieu une séance académique à l’occasion des commémorations des 60 ans de la révolution d’octobre 1956. Beaucoup plus par esprit de serviabilité que par conviction personnelle, nous nous y sommes rendues.

Par la suite, j’appris que toute une série de manifestations allaient avoir lieu ce week-end du 22-23 octobre conférences, témoignages, festivités à l’esplanade du Cinquantenaire, messe à la Cathédrale, suivie d’une procession de lumières jusqu’à la Colonne du Congrès, concert dans la grande salle de Flagey, et la sortie d’un livre avec les témoignages des Hongrois arrivés en Belgique il y a 60 ans. Je me suis donc plongée durant ce week-end dans mes racines pour expérimenter ce que j’allais ressentir.

C’est vrai, c’était bien agréable de savoir que j’avais ma place quelque part dans tout cela, que je pouvais tout comprendre, participer activement aux chants, à la prière...

J’ai rafraichi un peu ma connaissance historique des faits :

  • la résistance en octobre ’56 avait duré 20 jours ;
  • 33 années d’oppression ont suivi jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989 ;
  • 200.000 à 300.000 hongrois se sont dispersés dans tous les pays du monde ;
  • dont 2.000 à 3.000 en Belgique en un premier moment. D’autres ont suivi après.

A part cela, ayant côtoyé un millier de personnes durant ce week-end, je n’ai pas trouvé plus que cinq visages connus mais j’ai essayé d’entrer en contact avec quelques inconnus.

Qu’est ce qui me lie encore à cette communauté hongroise à part la langue et une même origine ?

Certainement pas un nationalisme qui par moment essaye de prendre le dessus. Notre vécu est si différent les uns des autres : les Hongrois de ’56 et les autres, ceux que l’on appelle ’les nouveaux Hongrois de l’Europe’ qui ont un pied en Belgique et un autre pied dans leur pays. Il y a ceux qui ont payé leur liberté en acceptant le déracinement de leur pays, les nouveaux arrivés d’aujourd’hui qui sont à la recherche d’une aisance économique et d’autres qui deviennent les nouveaux riches...

L’abolition des frontières est une chose, vivre les uns avec les autres dans une même entente et le respect en est une autre. Des différences et des ressemblances, je peux en trouver dans chaque personne que je rencontre. L’approche et l’unité que je recherche avec l’autre, je dois d’abord les chercher et essayer de les vivre en moi-même.

Bien assumer ses racines est une réalité à construire, un défi à relever. Une plongée démesurée vers ses racines peut signifier que l’on est toujours à la recherche de l’unité de sa personne. La nostalgie empêche de vivre le quotidien que la vie impose ou propose. Le déni de ses origines n’est qu’un camouflage de la vérité sans laquelle une vie sereine est impossible.

Avoir aussi d’autres racines est une richesse que rien ni personne ne nous enlèvera. Elle nous donne une ouverture d’esprit avec la possibilité d’intégrer en nous toutes les différences. Vivre ici, tout en venant d’ailleurs, est aussi un atout pour voir clair et pour se distancier quand un nationalisme mal placé veut prendre le dessus.

Il est bon de savoir que nous avons des origines implantées quelque part mais il est surtout important de savoir qu’avant toute chose, la plupart d’entre nous ont été implantés sous le coeur protecteur d’une maman, fruit d’un acte d’amour de deux êtres humains. Parfois ce premier implant fait défaut. Mais, même si les enfants dont la vie est accompagnée par l’amour de leurs parents ont une longueur d’avance, la vie est assez longue pour que chacun découvre que l’amour existe vraiment. Nous ne sommes pas égaux devant la vie et quelle que soit notre origine en venant au monde, se construire est la mission de tous et de chacun.

Toute vie se déroule sous la pluie et le soleil, et les couleurs de l’arc-en-ciel sont les mêmes pour chacun de nous : le violet, l’indigo, le bleu pastel, le vert, le jaune-or, l’orange, le rouge, ces couleurs nous les retrouvons dans notre vécu. L’arc-en-ciel symbolise que le ciel et la terre sont reliés par un anneau de fiançailles qu’il nous est proposé d’accepter ou pas. Etre enraciné dans une terre est important, être relié par cet anneau de fiançailles est autrement important.

Avant de découvrir que j’étais enracinée puis déracinée de mon pays, j’ai découvert que j’étais enracinée dans l’amour de mes parents qui ont tenu bon, à travers tous les orages de leur vie, parce qu’ils étaient eux-mêmes enracinés dans un amour plus grand qui précédait leur capacité d’aimer. Depuis, j’ai assumé mes origines.

Je sais qu’il y a un Dieu bienveillant pour chacun de nous, qu’on le sache ou pas. Cet amour nous précède peu importe où mène notre vie. La découverte de cet amour m’a permis de vivre ma vie dans la recherche de la hauteur, la profondeur, la largeur et le tout, sans frontières.

Puisque je ne peux vivre ma vie d’une manière désincarnée, je vis ma vie ici et maintenant. L’horloge du temps ne peut être tournée en arrière donc, je garde mon regard fixé vers l’avant.
Rester toujours attentive au rythme que la vie me donne.
Veiller à ne pas se laisser emporter par des vagues trop fortes.
Garder jalousement l’unité et la sérénité acquises tout au long des années.
Partager ce qui peut être avec celui ou celle qui cherche aussi des contacts dans un partage réciproque.
Voilà comment j’envisage mon avenir.

Un plus un font un (1+1=1). Une racine, plus une deuxième racine n’en font pas deux, mais font l’originalité de quelque chose de nouveau qui s’inscrit déjà dans l’éternité...
A chacun sa route, à chacun son chemin.

1 commentaire Répondre

  • Lucienne E Répondre

    Merci Elisabeth pour ce beau récit, cette profonde réflexion, cette sagesse acquise au fil des alea de la vie. J’aime votre ouverture de coeur et d’esprit. Lucienne E.

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